Exposition – Champagne, la star du 7e art

Textes de l’exposition « Champagne, la star du 7e art » que j’ai conçue et qui a été présentée à l’Union des Maisons de Champagne, à Reims, lors des Journées Européennes du Patrimoine 2021.
Ils constituent l’introduction la plus complète sur la présence du champagne au cinéma.

En préambule / Des bulles dans le cinématographe / Champagne, acteur des films muets / Hollywood : fêtes et prohibition / Champagne populaire dans le cinéma français / Chefs-d’œuvre et champagne / Cultissimes bulles / Bond & Bulles / Le champagne passe à table / Le champagne fait sa comédie… musicale ! / Champagne burlesque / Le bon, la brute et le champagne / Même les super-héros en boivent… / … Les toons aussi !

En préambule

Chers visiteurs,

Le champagne et le cinéma dont je suis à la fois un amateur et un acteur depuis si longtemps, sont, à deux siècles d’écart, deux inventions du génie français.

Il n’est donc pas étonnant qu’ils entretiennent des liens aussi forts depuis les premiers films des Frères Lumière jusqu’à nos jours.

L’Union des Maisons de champagne vous propose de revisiter cette histoire commune de plus de 125 ans au travers d’une sélection de films dans lesquels grands comiques, super-héros, cow-boys, bandits, agents secrets, icônes… mettent en scène les Grandes Marques de champagne.

Après avoir été un ambassadeur de la candidature des Coteaux, Maisons et Caves de champagne à l’UNESCO, je suis heureux d’apporter mon amical soutien à cette exposition.

Bonne visite.

Pierre Arditi, Parrain de l’exposition

Soyez les bienvenus !

Le champagne est mis en scène dans de très nombreuses créations cinématographiques. L’exposition a pour ambition d’illustrer les liens qui unissent « champagne » et « cinéma » depuis son invention par les Frères Lumière en 1895. Les Maisons et leurs Grandes Marques ne sont pas citées dans un but publicitaire ; elles font partie de l’univers des créateurs et apparaissent à ce titre à l’écran. Cette exposition poursuit un objectif historique et iconographique (et non promotionnel).

Bien évidemment, l’abus d’alcool est dangereux pour la santé et doit être consommé avec modération.

Gabriel Leroux, Commissaire de l’exposition.

Leonardo DiCaprio dans Gatsby le Magnifique (2013) réalisé par Baz Luhrmann
©Warner Bros

Des bulles dans le cinématographe

1895

Le cinéma naît officiellement en 1895 : Auguste et Louis Lumière organisent la toute première projection publique le 28 décembre dans le Salon Indien du Grand Café (14, boulevard des Capucines à Paris).

Affiche pour le Cinématographe Lumière par Henri Brispot (1846-1928)
© BNF
Affiche pour le Cinématographe Lumière réalisée en 1896 par Marcellin Auzolle (1842-1942)
© BNF
1896

Quelques mois plus tard, ils se rendent à Epernay pour démarrer le tournage du tout premier film consacré au champagne Moët & Chandon : De la vigne au tonneau (1896-1897).

On dispose de peu d’informations sur ce film. Est-il le premier film publicitaire ? A l’époque, devant le succès du cinématographe, les frères Lumière missionnent de nombreux opérateurs dans le monde entier : ce sont les premiers reportages.

1899

Le film commandé aux frères Lumière par Eugène Mercier et tourné par l’opérateur Lavesvre à Epernay et au Luxembourg est destiné à être projeté lors de l’Exposition universelle de Paris en 1900. Il s’agit donc évidemment d’un film promotionnel dont la réalisation est l’un des nombreux coups d’éclat du génie visionnaire du propriétaire de la Maison. En outre, les liens entre la société Mercier et les établissements Lumière étaient anciens, puisqu’Alexandre Promio (l’un des grands opérateurs des frères Lumière) avait été représentant du Champagne Mercier à Lyon. Lors de l’Exposition Universelle, près de 4 millions de visiteurs assistent à la projection du film.

Image extraite du film Elaboration du champagne, de la grappe à la coupe réalisé pour la Maison Mercier et projeté à l’exposition universelle de Paris en 1900
Archives Mercier
Brochure pour le pavillon Mercier à l’exposition universelle de Paris en 1900

Ces films deviennent de véritables modèles. Ainsi, les frères Marzen réalisent un second film documentaire sur le Champagne Mercier en 1907.

1901

Le champagne Mercier est le premier à figurer dans un film de fiction, Barbe-Bleue de Georges Méliès, premier grand réalisateur à trucages. La bouteille géante qui apparaît à l’écran peut être considérée comme le premier placement de produit. La scène est la première expression de la manière dont le cinéma va s’emparer du champagne : de toutes les boissons visibles dans les films, le champagne est la seule à s’être vue octroyer un véritable rôle.

Image extraite du film Barbe-Bleue (1901) réalisé par Georges Méliès
© Cinémathèque Méliès

Le champagne est également présent dans deux autres films : Par le trou de la serrure et Rêve et Réalité de Ferdinand Zecca, où y est l’expression de la galanterie.

1905

Ferdinand Zecca et Gaston Velle réalisent L’Amant de la lune, un magnifique court métrage dans lequel des bouteilles de champagne géantes dansent avec poésie.

Image extraite du film L’Amant de la lune ou Rêve à la lune (1905) réalisé par Ferdinand Zecca et Gaston Velle
© Collection Fondation Jérôme Seydoux Pathé
1935

La Commission spéciale de propagande du Syndicat du Commerce des Vins de Champagne (devenu l’Union des Maisons de Champagne) fait réaliser un film appelé Le Vin du bonheur souvent projeté en première partie des Lumières de la ville de Charlie Chaplin.

Anecdote

Cinématographe: quel nom donner à cette invention ?
Les frères Lumière envisagent le mot « cinématographe » mais leur père, Antoine Lumière, le trouvait impossible à prononcer. Il préfère celui de « domitor » que lui souffle son ami Lechère, représentant des champagnes Moët et Chandon. Ce nom, inventé de toutes pièces, est dérivé de « dominateur ». Ce qui le rend, pour les deux hommes persuadés que cette invention révolutionnaire va, comme le champagne, s’imposer mondialement, parfaitement adapté. Les deux frères ne cèdent pas et, en mars 1895, dénomment leur nouvel appareil tout juste breveté « cinématographe ». Si Antoine Lumière était parvenu à convaincre ses fils, on ne dirait pas « aller au ciné » mais « aller au domi » !
Le Podcast

Champagne, acteur des films muets

Le premier cinéma est muet. Avant la Première Guerre mondiale, les films les plus importants sont européens et souvent français. Ce n’est qu’à partir des années 20 que Hollywood s’impose comme le centre mondial du cinéma. Désormais, il faut compter avec cette usine à rêves et son star-system.

Quel rôle le champagne joue-t-il dans le cinéma muet ?

Gag saute-bouchon !

D’abord, il sonorise, en quelque sorte, des films dépourvus de son. L’effervescence du champagne que l’on qualifie de « vin saute-bouchon », donne lieu à des gags explosifs qui font encore recette aujourd’hui.

Cela commence avec Le Champagne de Rigadin (1915) réalisé par Georges Monca. Prince Rigadin est un des personnages les plus comiques et les plus populaires de l’époque. Il fut, avec Max Linder, l’une des premières grandes vedettes du 7ème art, jouant dans plus de 300 films. Dans cette petite comédie, c’est en essayant de désamorcer un obus factice que du champagne lui jaillit à la figure !

Image extraite du film Le Champagne de Rigadin (1915) réalisé par Georges Monca
© Cinémathèque Royale de Belgique

Cette explosivité répond à celle de Charlie Chaplin dans une scène de Charlot s’évade (1917). Lorsqu’un maître d’hôtel débouche une bouteille de champagne, Charlot, croyant à la détonation d’un pistolet, sursaute et lève les bras. Ce bruit si caractéristique résonne dans la tête des spectateurs qui pourtant ne peuvent l’entendre.

Plaisirs interdits

Erich von Stroheim (1885-1957) est l’un des plus grands réalisateurs américains de la période muette. Ses films sont souvent excessifs. Leur budget aussi… Les décors sont grandioses : pour l’un de ses films, le réalisateur fait construire à l’identique la place du Grand Hôtel de Monte-Carlo.

Le champagne est présent dans presque tous ses films comme le symbole de l’amour ou de la séduction. On raconte même que pour une scène de La Symphonie nuptiale (1928) réalisée dans une maison close, Stroheim recrute de vraies prostituées, fait servir des pigeonneaux et du caviar arrosés de flots de champagne !

La Symphonie nuptiale (1928) réalisé par Erich von Stroheim
© Paramount Famous Lasky Corporation
Le goût français, la fête parisienne

Autre rôle : le champagne, particulièrement dans les films américains, est le symbole naturel et évident de la France. Il est mis en avant comme un élément de la culture et du goût français, un accessoire indispensable des fêtes parisiennes. C’est le cas dans L’Opinion publique (1923) de Charlie Chaplin, film dans lequel sont cuisinées des truffes au champagne accompagnées de Louis Roederer, ainsi que dans So This is Paris (1926) d’Ernst Lubitsch qui, plus qu’aucun autre, associe dans ses films champagne et esprit français.

Affiche du film So This is Paris (1926) réalisé par Ernst Lubitsch
© DR
So This is Paris (1926) réalisé par Ernst Lubitsch
© Warner Bros / Ronald Grant Archive
Hitchcock, Champagne !

Grand amateur de champagne, l’immense Alfred Hitchcock (1899-1980) le fait figurer dans de très nombreux films.

En 1928, il sort un film au titre particulièrement évocateur Champagne.

La star britannique Betty Balfour (1903-1977) se met en scène avec une bouteille de Moët & Chandon puis de Mumm Cordon Rouge à la main. Pour l’occasion, Hitchcock fait réaliser une coupe de champagne géante pour y placer une caméra et filmer, depuis le verre, un couple qui s’embrasse. C’est cette image qui clôt le film.

Affiche du film Champagne (1928) réalisé par Alfred Hitchcock
© Universal Images Group/Buyenlarge
Betty Balfour dans une photographie promotionnelle pour le film Champagne (1928) réalisé par Alfred Hitchcock
© DR
Le Podcast

Hollywood : fêtes et prohibition

« Nous faisions de ces fêtes. Le public de l’époque voulait nous voir vivre comme des rois et des reines. Alors c’est ce que nous faisions – et pourquoi pas ? Nous étions amoureux de la vie. Nous gagnions plus d’argent qu’il était possible d’en imaginer et n’avions aucune raison de croire que cela pouvait s’arrêter. »

C’est ainsi que Gloria Swanson, l’une des plus grandes actrices de l’époque, décrit la vie des stars à Hollywood dans les années 20. Tous conduisent de magnifiques automobiles, habitent de somptueux palaces et se retrouvent lors de fastueuses fêtes où le champagne coule à flot !

Dans le film Sunset Boulevard (1950) de Billy Wilder, c’est cette même actrice et icône de la période des films muets hollywoodiens, Gloria Swanson, que l’on retrouve dans le rôle de Norman Desmond. Sunset Boulevard est un des seuls films parlants qu’elle a tourné.

Gloria Swanson dans Sunset Boulevard (1950) réalisé par Billy Wilder
© Paramount Pictures

Pourtant, depuis janvier 1919, la Prohibition fait rage aux Etats-Unis (18ème amendement à la Constitution). Il y est interdit de fabriquer, transporter, importer, exporter et vendre de l’alcool. Pour s’approvisionner en champagne dont elles ne peuvent se passer, les stars hollywoodiennes ont recours à des bootleggers, c’est-à-dire à des contrebandiers issus de la mafia italo-américaine (dont le célèbre Al Capone).

Pour les Maisons de champagne, la situation est très difficile. Les exportations vers les Etats-Unis chutent drastiquement même si des bouteilles y arrivent en contrebande par le Canada, Saint-Pierre-et-Miquelon ou le Mexique.

Bertrand de Mun, Président du Syndicat du Commerce (actuelle Union des Maisons de Champagne) est à l’initiative de la Commission d’exportation des vins (actuelle Fédération des Exportateurs de Vins et Spiritueux) qui rassemble les grandes régions viticoles exportatrices : Bourgogne, Champagne, Bordeaux…. L’objectif est d’inciter le gouvernement à renoncer à sa politique protectionniste qui provoque des mesures de rétorsion dans les grands pays importateurs de vins français.

Cette situation ne fait pas pour autant disparaître le champagne des écrans.

Au contraire, on continue à le mettre en scène à Hollywood, notamment dans des films se déroulant en Europe.

Par la suite, le cinéma américain reviendra sur ces Années folles, les Roaring Twenties, où se mélangent l’interdit, la fête, le jazz et le champagne. Dans Gatsby le Magnifique (2013) avec Leonardo di Caprio, le réalisateur Baz Luhrmann met en scène le luxe et les excès de la fête : d’immenses bouteilles de champagne Moët & Chandon, des centaines d’invités, d’incroyables feux d’artifices…

Gatsby le Magnifique (2013) réalisé par Baz Luhrmann
©Bazmark Films

Anecdote

La précédente version de Gatsby le Magnifique, tournée en 1974 par Jay Clayton avec Robert Redford et Mia Farrow, met en scène le champagne Dom Pérignon, ce qui est totalement anachronique car l’histoire se déroule durant l’été 1922 ; or la cuvée Dom Pérignon n’est lancée par Robert-Jean de Vogüé, Président de Moët & Chandon, qu’en 1935 !
Mia Farrow et Robert Redford dans Gatsby le Magnifique (1974) réalisé par Jack Clayton
© Pictorial Press Ltd

Dans Certains l’aiment chaud (1959) de Billy Wilder, volontairement tourné en noir et blanc pour plonger le spectateur au cœur de la crise de 1929, la police combat les bootleggers à Chicago. Pendant ce temps, sur le yacht d’un milliardaire à Miami, Tony Curtis et Marilyn Monroe échangent quelques baisers entre deux coupes de champagne.

Dans Les incorruptibles (1987) de Brian de Palma, un palier supplémentaire est franchi. C’est Al Capone, lui-même, interprété par Robert de Niro, qui lève sa coupe… en pleine Prohibition.

Robert de Niro dans Les Incorruptibles (1987) réalisé par Brian De Palma
© Moviestore Collection Ltd

Le 5 décembre 1933, la Prohibition est abolie. Dans Il était une fois en Amérique (1984), de Sergio Leone, l’enterrement du 18e amendement est célébré : on sabre du Mumm Cordon Rouge.

La fin de la prohibition dans Il était une fois en Amérique (1984) réalisé par Sergio Leone
©Warner Bros

Anecdote

Un parfum de meurtre de Peter Bogdanovitch (2001) relate l’histoire d’un fait divers survenu en 1924. Sur l’Oneida, le bateau du magnat de la presse et producteur William Randolph Hearst, de grandes personnalités du cinéma sont réunies : Charlie Chaplin, l’actrice Marion Davies (maîtresse de Hearst), le producteur Thomas Ince…Le champagne y est omniprésent. Il révèle l’humeur de Hearst qui boit assez peu, mais qui a l’habitude de reprendre une seconde coupe lorsqu’’il se sent particulièrement bien. En l’occurrence, il n’en boit qu’une.

Quelques minutes plus tard, il tue par mégarde Thomas Ince!

Images extraites du film Un parfum de meurtre (2001) réalisé par Peter Bogdanovich avec Edward Herrmann, Kirsten Dunst, Eddie Izzard et Cary Elwes
Captures d’écran

Le podcast

Champagne populaire dans le cinéma français

A l’inverse du cinéma hollywoodien, véritable industrie orchestrée par des stars devenues des icônes adulées mais inaccessibles, le cinéma français conserve une dimension plus populaire. Le quotidien est souvent mis en scène ; il privilégie un regard parfois poétique, parfois amusé, parfois intimiste. Les vedettes françaises du 7e art conservent toujours une certaine proximité avec les spectateurs.

Jean Gabin dans Le soleil des voyous (1967) de Jean Delannoy
© Marcel Dole
Jean Paul Belmondo et Annie Duperey dans Stavisky (1974) réalisé par Alain Resnais
© Diltz

A partir des années 1930, le « champagne populaire » trouve sa place dans le cinéma français. On en boit à l’occasion d’événements conviviaux (repas, mariages, baptêmes…) mais qui n’ont rien d’exceptionnels. C’est un champagne du quotidien. Quel que soit le milieu social, chacun en boit… plus ou moins. Dans Circonstances atténuantes (1939) de Jean Boyer, un procureur à la retraite, Michel Simon, et sa femme, formant un joli couple bourgeois, partagent des bouteilles de Mumm Cordon Rouge dans un petit bistrot de la banlieue parisienne avec une bande de truands sans envergure, parmi lesquels Arletty à la gouaille intacte.

Jean Gabin en boit dans presque tous ses films : comme militaire en permission dans Gueule d’amour (1937) de Jean Grémillon puis dans d’autres films où il joue un ouvrier, un clochard, un truand, un commissaire de police. Il privilégie souvent les champagnes millésimés et certaines Marques.

Armande Navarre, Robert Hirch. et Jean Gabin dans Maigret et l’affaire Saint-Fiacre (1959) réalisé par Jean Delannoy
© United Archives GmbH

Quelques années plus tard, Gérard Depardieu, dans Loulou (1980) de Maurice Pialat, parmi tant d’autres films, partage une flûte avec Isabelle Huppert à l’occasion d’un repas à la fois amical et familial.

Plus récemment, le champagne multiplie les symboles : dans le film de Thomas Gilou, La Vérité si je mens ! (1997) en boite de nuit ; dans Joyeux Noël (2005) de Christian Carion, au milieu des tranchés dans un moment intense de fraternisation ; dans Intouchables (2011) d’Olivier Nakache et Éric Toledano, avec François Cluzet et Omar Sy, lors d’un anniversaire ; ou encore dans Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? (2014) de Philippe de Chauveron, dans un cadre très familial.

Dany Boon dans Joyeux Noël (2005) réalisé par Christian Carion
© United Archives GmbH

Anecdote

En 2018, sort Le Retour du héros, une comédie historique réalisée par Laurent Tirard avec, dans les rôles phares, Mélanie Laurent et Jean Dujardin. L’histoire se déroule en 1812 en pleine guerres napoléoniennes. La mise en scène d’une séquence dans laquelle doit apparaître du champagne soulève pour les équipes du film une question cruciale : à quoi pouvait bien ressembler une bouteille de champagne en 1812 ? Quelle bouteille choisir ?
La production du film va faire concevoir auprès de la Maison Perrier-Jouët, et spécialement pour cette occasion, plusieurs modèles de bouteilles. Son choix se portera alors sur une bouteille ficelée, cachetée de cire et sur laquelle est apposée une fausse étiquette. Ce flacon sera utilisé par Jean Dujardin pour séduire une femme mariée.
Jean Dujardin et Mélanie Laurent dans Le Retour du héros (2018) réalisé par Laurent Tirard
© Christophe Brachet
Le podcast

Chefs-d’œuvre et champagne

Comme les autres arts, le septième compte des chefs-d’œuvre : des films, devenus des classiques, dont le succès est historique et qui continuent d’influencer les réalisateurs. Il en existe plusieurs listes : « les 100 meilleurs films de tous les temps » publiée en 2012 par le British Film Institute ; les « 208 films qu’il faut avoir vus » proposée en 2008 par l’École Nationale Supérieure des Métiers de l’Image et du Son ou encore les listes élaborées par la presse (The Hollywood Reporter, Le Monde…).

Le champagne est mis en scène dans de nombreux chefs d’œuvre et parfois, y joue un rôle prépondérant. Citons quelques exemples chronologiques.

1927

Les Ailes, réalisé par William A. Wellman : film muet consacré à la Première Guerre mondiale, mettant en scène des batailles aériennes restées célèbres. Il est aussi le premier film (et le seul entièrement muet à ce jour) à recevoir l’Oscar du meilleur film en 1929. Le champagne y trouve une place importante dans une longue scène censée se dérouler aux Folies-Bergères.

Affiche du film Les Ailes réalisé par William A. Wellman
© Paramount Pictures

Anecdote

90 ans plus tard, cette séquence inspirera le réalisateur Rian Johnson – qui avouera d’ailleurs considérer ce film comme l’un de ses préférés – pour le film Star Wars, épisode VIII : Les Derniers Jedi (2018). Le déplacement de la caméra (le « travelling » en jargon cinématographique) pour filmer les personnages entrant dans le casino, à Canto Bight, est en tout point identique à celui réalisé par A. Wellman dans Les Ailes pour l’arrivée aux Folies-Bergères.
1930

L’Ange bleu, réalisé par Josef von Sternberg. Ce premier film parlant allemand, réalisé par un cinéaste américain d’origine autrichienne est celui qui propulse Lola (Marlène Dietrich) au rang de star internationale. Dans cette œuvre, le champagne est savouré à de nombreuses reprises.

Emil Jannings et Marlène Dietrich dans L’Ange bleu (1930) réalisé par Josef von Sternberg
© Ronald Grant Archive
1932

Freaks, La Monstrueuse Parade réalisé par Tod Browning est considéré comme l’une des plus grandes réussites du 7e art. Le cirque est au cœur de l’histoire de ce film interprété par des comédiens, non professionnels, ayant des malformations physiques, ce qui les faisait passer à l’époque pour des « phénomènes de foires » : des nains, une femme sans bras, une femme à barbe, un homme tronc, des sœurs siamoises… Le champagne est présent dans une séquence étonnante de mariage : le nain Angeleno propose à la future mariée, la belle Cléopâtre, de partager une coupe de champagne. Celle-ci refuse, ne voulant pas s’associer à ceux qu’elle considère comme des monstres. Or, au cinéma, il existe une règle quasi-immuable selon laquelle le malheur s’abat sur ceux qui refusent un verre de champagne qui leur est offert. Elle sera victime d’un accident.

Freaks (1932) réalisé par Tod Browning
© MGM
1939

Autant en emporte le vent, de Victor Fleming : le film aux dix Oscars et l’un des plus gros succès financiers de toute l’histoire du cinéma. Recevant son ami Clark Gable, Ona Munson, qui joue la tenancière d’une maison d’illusions, boit une bouteille de Mumm Extra Dry.

Clark Gable et Ona Munson dans Autant en emporte le vent (1939) réalisé par Victor Fleming
© MGM

Ninotchka, réalisé par Ernst Lubitsch, est l’avant-dernier film de Greta Garbo, le seul dans lequel elle rit ! Interprétant une commissaire communiste venue à Paris pour récupérer des biens appartenant à l’URSS, elle boit du champagne pour la première fois et déclare rayonnante, « D’après mes lectures, je m’imaginais que le champagne était rude et sec, mais c’est délicat ». Séduite, elle en reprend une deuxième coupe.

Greta Garbo et Melvyn Douglas dans Ninotchka (1939) réalisé par Ernst Lubitsch
© cineclassico
1942

Casablanca, de Michael Curtiz et sa célébrissime scène dans laquelle Humphrey Bogart et Ingrid Bergman partagent des coupes de Mumm Cordon Rouge. Il reçoit l’Oscar du meilleur film en 1943 et se voit décerner le rang de troisième film le plus important de l’histoire par l’American Film Institute. En 1972, dans Tombe les filles et tais-toi d’Herbert Ross, Woody Allen, cinéphile averti et passionné par les œuvres et le personnage qu’incarne Humphrey Bogart à l’écran, singe maladroitement ce dernier, en tentant de conquérir une femme interprétée par Diane Keaton, avec le même Mumm Cordon Rouge.

Humphrey Bogart et Ingrid Bergman dans Casablanca (1942) réalisé par Michael Curtiz
© Warner Bros
Woody Allen et Diane Keaton dans Tombe les filles et tais-toi (1972) réalisé par Herbert Ross
© Paramount Pictures
Le Podcast

Cultissimes bulles

Il y a des films qui marquent une génération de spectateurs et d’autres qui séduisent toutes les générations. Ce sont les films cultes. Certains ont généré des sagas : Indiana Jones, Jurassik Park, Star Wars ou encore Harry Potter… Et quand le champagne s’y invite, les scènes n’en sont que plus mémorables !

Ce petit tour d’horizon débute par le film français : Drôle de Drame (1937) de Marcel Carné. Qui n’a jamais entendu cette mythique réplique : « Moi j’ai dit ‘Bizarre’… Comme c’est bizarre… » prononcée par Louis Jouvet lors d’un inoubliable dîner avec Michel Simon ?… et au menu du canard à l’orange. Selon Jacques Prévert, scénariste du film, les deux acteurs vinrent à bout de trois canards pour tourner la scène ! Heureusement, du Champagne Pommery accompagnait le repas.

Louis Jouvet et Michel Simon dans Drôle de Drame (1937) réalisé par Marcel Carné
© Productions Corniglion-Molinier

En 1963, dans La Panthère rose de Blake Edwards, David Niven propose à Claudia Cardinale (une princesse dont il cherche à conquérir le cœur… et à voler le diamant), une coupe de champagne avec ces mots : « Prenez un peu de champagne, ça rapproche très bien les extrêmes. Et pour lancer une amitié, c’est comme pour un navire, une nécessité ! ».

David Niven et Claudia Cardinale dans La Panthère rose (1963) réalisé par de Blake Edwards
© UNITED ARTISTS courtesy APL Archive

Plus récemment, Indiana Jones et le Temple maudit (1984) de Steven Spielberg débute par une scène dans laquelle le Professeur Jones (Harrison Ford) déguste une flûte de Moët & Chandon Dry Imperial 1915. Neuf ans plus tard, en 1993, dans les premières minutes de Jurassic Park, l’acteur Richard Attenborough ouvre une bouteille de la même Maison. Chez Spielberg, le champagne baptise les films.

Harrisson Ford dans Indiana Jones et le Temple maudit (1984) réalisé par Steven Spielberg
© LANDMARK MEDIA

Quentin Tarantino est un autre de ces cinéastes de génie. Lui aussi met en scène le champagne : dans Inglourious Basterds (2008) par exemple, la cuvée Belle Epoque de Perrier-Jouët est mise à l’honneur. Bien que les motifs floraux Art nouveau (dessinés par Emile Gallé en 1902) ornant les bouteilles de cette cuvée ne laissent pas présager un quelconque anachronisme, cette cuvée n’existe pourtant pas encore à l’époque de la Seconde Guerre mondiale pendant laquelle se déroule le film.

On parle de la magie du champagne et on parle aussi du champagne dans le monde magique d’Harry Potter. A l’occasion du mariage de Bill et Fleur dans Harry Potter et les Reliques de la Mort (2010) de David Yates, il est dit : « Jamais encore il n’avait assisté́ à un mariage. Il ne pouvait donc pas savoir en quoi les célébrations des sorciers différaient de celles des Moldus mais il était quasiment sûr que, chez ces derniers, on ne voyait pas de pièces montées ornées de deux petits phénix qui s’envolaient lorsqu’on coupait le gâteau ni de bouteilles de champagne passant toutes seules parmi la foule des invités » (J. K. Rowling).

Hagrid (Robbie Coltrane) et Olympe Maxime (Frances de la Tour) dans une scène de Harry Potter et les Reliques de la Mort, partie 1 (2010) réalisé par David Yates
Capture d’écran

Enfin, les amateurs de science-fiction qui raffolent des space operas apprécient dans Star Wars, épisode VIII : Les Derniers Jedi (2018) de Rian Johnson le rendez-vous à Canto Bight, une ville casino aux confins de la galaxie où les aliens partagent flûtes et coupes.

Star Wars, épisode VIII : Les Derniers Jedi (2018) réalisé par Rian Johnson
Capture d’écran
Le Podcast

Bond & Bulles

« My name is Bond, James Bond ».

Il n’existe pas un héros que l’on associe plus immédiatement au champagne.
Le divin breuvage y est présent dans les vingt-cinq opus produits par Eon Productions, à l’exception de Les diamants sont éternels (1971) réalisé par Guy Hamilton. Six Marques ont successivement les faveurs de l’agent britannique.

En 1962, dans James Bond 007 contre Dr No de Terence Young, Sean Connery (alias James Bond) se voit proposer par le terrible Dr No une bouteille de Dom Pérignon 1955. Après avoir envisagé un instant de l’utiliser comme une arme, James se ravise… Impossible de gâcher une telle cuvée.

Dans Bons Baisers de Russie (1963) de Terence Young, Bond (Sean Connery) partage du Taittinger avec sa maîtresse, Sylvia Trench, lors d’un pique-nique amoureux, puis avec Tatiana Romanova, l’espionne soviétique qu’il a séduit dans l’Orient-Express. Pour l’anecdote, on aperçoit une publicité pour Champagne Mercier dans le wagon restaurant.

Sean Connery, Daniela Bianchi et Robert Shaw dans Bons Baisers de Russie (1963) réalisé par Terence Young
© UNITED ARTISTS / Allstar Picture Library Ltd.

A partir de Goldfinger (1964) réalisé par Guy Hamilton, Dom Pérignon redevient la Marque de James Bond.

Sean Connery et Shirkey Eaton dans Goldfinger (1964) réalisé par Guy Hamilton
© Eon Productions / United Artists /Masheter Movie Archive

Dans une célèbre scène de L’Homme au pistolet d’or (1974) du même réalisateur, James Bond, aux commandes de son petit hydravion, amerrit devant l’île du terrible tueur à gage. Francisco Scaramanga (interprété par Christopher Lee) fait alors sauter le bouchon de la bouteille de Dom Pérignon… avec une balle de revolver.

Toutefois, il n’est pas rare d’apercevoir d’autres Grandes Marques.

Dans Opération Tonnerre (1965) de Terence Young, Bond boit du Dom Pérignon mais son grand ennemi, Emilio Largo, le n° 2 de l’organisation Spectre, semble préférer le Veuve Clicquot. Dans Au service secret de Sa Majesté (1969) de Peter Hunt, George Lazerby (alias James Bond) est invité à boire du champagne Moët & Chandon.

La Maison Bollinger devient le partenaire de Roger Moore, le « troisième » James Bond à partir de 1973 et Vivre et laisser mourir de Guy Hamilton. L’histoire est celle d’une amitié devenue familiale entre le producteur Albert « Cubby » Brocoli et Christian Bizot, alors Président de Champagne Bollinger. Depuis Moonraker (1979) de Lewis Gilbert, la Marque est présente dans chacun des films de la saga. Ce sont donc des cuvées millésimées de Champagne Bollinger que dégustent Timothy Dalton, Pierce Brosnan et Daniel Craig.

Requin (Richard Kiel) et sa copine Dolly (Blanche Ravalec) dans Moonraker (1979) réalisé par Lewis Gilbert
© United Archives GmbH
Caterina Murino et Daniel Craig dans Casino Royale (2006) réalisé par Martin Campbell
© Sony Pictures / United Archives GmbH

En dehors de la franchise officielle, le personnage de James Bond apparaît deux fois au cinéma.

En 1967, la comédie Casino Royale de John Huston sort sur les écrans : on y boit du Taittinger et du Veuve Clicquot, la Marque qu’exigeait de boire Orson Welles en fumant de véritables Havanes.

Orson Welles dans Casino Royale (1967) réalisé par John Huston, Val Guest, Kenneth Hughes, Joseph McGrath et Robert Parrish
© COLUMBIA / AF archive

En 1983, dans Jamais plus jamais d’Irving Kershner, Sean Connery célèbre sa dernière apparition dans ce rôle avec du champagne Dom Pérignon.

A l’origine, 007 est le héros des livres sortis de l’imagination de l’écrivain anglais Ian Fleming. Son personnage est déjà un grand amateur des champagnes Taittinger, Veuve Clicquot, Bollinger, Dom Pérignon, Krug et Pommery.

A l’origine, 007 est le héros des livres sortis de l’imagination de l’écrivain anglais Ian Fleming. Son personnage est déjà un grand amateur des champagnes Taittinger, Veuve Clicquot, Bollinger, Dom Pérignon, Krug et Pommery.

Signe de son succès, James Bond a fait l’objet d’une série de films parodiques dont l’agent secret est affublé du nom de Johnny English. Le champagne conserve son rôle majeur ; il est toujours servi à contre-temps, pour mieux souligner la maladresse drolatique de cet anti-héros interprété par Rowan Atkinson.

Rowan Atkinson dans Johnny English (2003) réalisé par Peter Howitt
© MARKA
Le Podcast

Le champagne passe à table

Très vite après son invention, le cinéma se met à table. Dès 1923, dans L’Opinion publique de Charlie Chaplin, sont cuisinés à l’écran des truffes au champagne.

De nombreux films, aux titres particulièrement évocateurs, se déroulent dans les cuisines et les salles de restaurants. Le champagne en est évidemment un acteur à part entière : La cuisine au beurre (1963) de Gilles Grangier avec Bourvil et Fernandel, Le grand restaurant (1966) de Jacques Besnard avec Louis de Funès ou encore L’Aile ou la cuisse (1976) de Claude Zidi avec Louis de Funès et Coluche. Il faut aussi évoquer La Grande Bouffe (1973) de Marco Ferreri, dans lequel la chair est présente mais davantage sous le prisme de la démesure et du désespoir que celui du plaisir. Quoiqu’il en soit, c’est du champagne Perrier-Jouët qui est servi à un Philippe Noiret à l’appétit gargantuesque.

Philippe Noiret, Ugo Tognazzi et Andréa Ferréol dans La Grande Bouffe (1973) réalisé par Marco Ferreri
© United Archives GmbH

Dans les années 1980, le cinéma « gastronomique » fait son apparition.

Parmi d’autres, on peut en citer trois grandes réussites : La Grande Cuisine (1978) de Ted Kotecheff, Tampopo (1985) de Jūzō Itami et Le festin de Babette (1988) de Gabriel Axel.

Le premier est un thriller gourmand où l’on passe de chef en chef, de cuisine en cuisine et de champagne en champagne : Moët & Chandon, Dom Pérignon, Comte de Champagne de Taittinger, Cristal de Louis Roederer, Veuve Clicquot… Le second est un film japonais conçu comme une enquête policière puisqu’il s’agit de découvrir la meilleure recette de la soupe de nouilles. Le film s’ouvre sur une séquence, presque Nouvelle Vague : dans un cinéma, un spectateur mafieux s’adresse au public du film en se faisant servir des mets de qualité, arrosés de champagne Veuve Clicquot. Dans le troisième qui se déroule au Danemark, c’est un Veuve Clicquot 1860 qui accompagne des blinis Demidoff au caviar et à la crème.

Le plaisir des sens est au cœur de ces deux derniers films.

Affiche du film La Grande Cuisine (1978) réalisé par Ted Kotcheff
© DR
Stéphane Audran dans Le festin de Babette (1988) réalisé par Gabriel Axel
© Entertainment Pictures

La patrie de la gastronomie n’est évidemment pas absente de cette catégorie. De nombreux réalisateurs français mettent la table au centre de leur scenario. Claude Chabrol met souvent en scène un repas : Le Boucher (1970) s’ouvre sur un diner de mariage célébré au Moët & Chandon. Dans Poulet au Vinaigre (1985) (pour la promotion duquel il fait placarder des affiches où on le voit sous le slogan « Que mijote Claude Chabrol ? »), on boit du Piper-Heidsieck 1976. Dans Le Souper (1992), Edouard Molinaro met en scène le dîner à huit-clos entre Claude Rich (Talleyrand) et Claude Brasseur (Fouché) au cours duquel ils recherchent, trois semaines après la défaite de Waterloo, le meilleur régime pour la France… dans lequel ils conserveraient leur place. Les plats élaborés par le chef Carème sont accompagnés de champagne… offert par les Anglais !

Claude Riche dans Le souper (1992) réalisé par Edouard Molinaro
© DR

Le champagne est aussi le vin des grandes réceptions. C’est le cas dans Le Ventre de l’architecte (1987) de Peter Greenaway et dans Marie-Antoinette (2006) où de célèbres fontaines sont filmées par la grande réalisatrice Sofia Coppola.

Kirsten Dunst dans Marie-Antoinette (2006) réalisé par Sofia Coppola
© THE FILM COMPANY / AF archive

En 2021, l’Oscar du meilleur film étranger est attribué à Drunk de Thomas Vinterberg qui s’ouvre sur un diner gastronomique au champagne dont il est dit qu’en fermant les yeux on parvient à voir les vignes.

Drunk (2021) réalisé par Thomas Vinterberg
© Moviestore Collection Ltd
Le podcast

Le champagne fait sa comédie… musicale !

Le premier film parlant est un film musical : Le Chanteur de jazz d’Alan Crosland. Sorti en 1927, il révolutionne le cinéma. Dans les films parlants suivants, beaucoup comportent des scènes chantées. Les stars de ce nouveau cinéma se recrutent au théâtre, à Broadway ou dans les cabarets. Il faut aussi savoir chanter et danser.

Affiche pour le premier film parlant : Le Chanteur de jazz réalisé par Alan Crosland
© Warner Bros

Le champagne trouve une place dans les films de ce nouveau genre.

D’abord parce que la musique et le chant s’associent facilement à l’effervescence de ce vin qui est par ailleurs celui des cabarets et clubs musicaux. Ensuite, parce qu’il s’agit souvent de films légers et amusants. Enfin, parce qu’un grand nombre d’entre eux se déroule en France dont le champagne est un symbole universel.

L’une des premières comédies musicales, Parade d’amour (1929) de Ernst Lubitsch présente, dans son générique, une représentation imagée de Paris dans laquelle figurent deux bouteilles de Veuve Clicquot.

Maurice Chevalier en est l’acteur principal. Il apparait aussi dans Gigi (1958) de Vincente Minelli, une adaptation hollywoodienne du roman de Colette, avec deux autres interprètes français, Louis Jourdan et Leslie Caron.

L’un des chefs-d’œuvre du genre, toujours signé Minelli, est sans doute Un américain à Paris (1951) avec Gene Kelly. Les deux films se déroulent à Paris et font la part belle au champagne.

Dans le premier, Gigi (alias Leslie Caron) qui est une jeune femme découvrant les plaisirs de l’amour, de la vie et du champagne, chante une chanson au titre inspirationnel « The night they invented champagne » (la nuit où ils inventèrent le champagne).

Hermione Gingold, Louis Jourdan et Leslie Caron dans Gigi (1958) réalisé par Vincente Minelli
© MGM
Affiche du film Un Américain à Paris (1951) réalisé par Vincente Minelli
© MGM

Dans Victor/Victoria (1982), Blake Edwards campe son histoire dans les cabarets transformistes du Paris des années 1930. Le champagne y coule à flot et la voix pure et puissante de Julie Andrews brise les bouteilles.

Julie Andrews dans Victor Victoria (1982) réalisé par Blake Edwards
© DR

Peu de films français, et même européens, peuvent être considérés comme des comédies musicales, à l’exception notable de ceux réalisés par Jacques Demy, Les Parapluies de Cherbourg (1964) et Les Demoiselles de Rochefort (1967) et de On connait la chanson (1997) d’Alain Resnais, dans lequel les dialogues de très grands comédiens, Sabine Azéma, Pierre Arditi, André Dussolier, Jean-Pierre Bacri et Agnès Jaoui, sont des chansons du répertoire populaire français. Dans la scène finale, le champagne abonde.

Agnès Jaoui et Sabine Azéma dans On connait la chanson (1997) réalisé par Alain Resnais
© Arena Films

Le genre continue de plaire aujourd’hui. Le film Mamma Mia ! (2008) de Phyllida Lloyd, avec Meryl Streep, Pierce Brosnan et Colin Firth s’inspire des chansons du groupe Abba et rencontre un succès planétaire. L’histoire est celle d’un mariage où le champagne est roi. Avec La La Land (2016), Damien Chazelle remporte six Oscars dont celui de la meilleure musique. Le « jaune » des bouteilles de Veuve Clicquot s’accorde aux tons chatoyants du film. Dans Cats (2019) de Tom Hooper, film à fois fantastique et musical, il s’agit d’une adaptation d’une célèbre comédie musicale de Broadway. Sur l’affiche, on lit « Pipurr-Heidsieck », un pur hommage ronronnant à la Maison Piper-Heidsieck.

Meryl Streep dans Mamma Mia ! (2008) réalisé par Phyllida Lloyd
© PictureLux / The Hollywood Archive
Affiche du film Cats (2019) réalisé par Tom Hooper
© DR
Le podcast

Champagne burlesque

Le cinéma burlesque ou slapstick (qui signifie « coup de bâton » ou « bâton claqueur » comme dans la comedia dell’arte) apparaît aux Etats-Unis dans les années 1910. C’est un genre comique qui s’inspire des clowneries du cirque et de la pantomime ; il est fait de claques, de coups de pied aux fesses, de tartes à la crème, de poursuites délirantes et plus largement, de situations où les objets sont animés et se retournent contre leurs utilisateurs.

Ce genre va libérer le potentiel comique du champagne, en jouant sur ses qualités matérielles (et non symboliques ou gustatives), sur la forme des bouteilles, des coupes, des flûtes, sur l’effervescence, la mousse et les bouchons qui sautent.

Max Linder est certainement le plus grand comique français des débuts du cinéma ; Charlie Chaplin le considère comme son maître. Dans le court métrage, Max et l’inauguration de la statue (1913), il est vêtu d’une armure à l’occasion d’un bal costumé. Il s’endort sur sa coupe de champagne. Lorsqu’il se réveille, encore un peu saoul, celle-ci reste collée à son visage, lui donnant un air profondément ridicule.

Max Linder dans Max et l’inauguration de la statue (1913)
© Collection Fondation Jérôme Seydoux Pathé

Mais ceux qui vont réellement imposer l’image comique du champagne, ce sont les personnages de Laurel et Hardy. Ils le font d’abord dans des photographies promotionnelles pour le film Les compagnons de la nouba (1933) de William A. Seiter. Ils y martyrisent de façon totalement absurde une bouteille de Piper-Heidsieck. Ces images font le tour du monde. Quelques années plus tard dans Laurel et Hardy conscrits (1939) d’Edward Sutherland, ils utilisent des bouteilles de champagne comme des armes : ils en font sauter les bouchons pour mettre en déroute leurs poursuivants. Cet usage balistique du champagne va se répandre dans le cinéma jusqu’à des films récents. Dans Le Retour du Grand Blond (1974) d’Yves Robert, Pierre Richard blesse, par mégarde, un des tueurs lancés à ses trousses, en débouchant une bouteille de Moët & Chandon. De la même manière, dans Mon beau-père et moi (2000) de Jay Roach, Ben Stiller trouve le moyen de briser, avec une infinie maladresse, une urne funéraire en débouchant une bouteille de Mumm Extra Dry. Le gag du saute bouchon est encore présent dans une comédie totalement déjantée réalisée par les frères Farelly, Dumb and Dumber (1994).

Oliver Hardy et Stan Laurel dans une photographie promotionnelle pour le film Les Compagnons de la nouba (1933) réalisé par William A. Seiter
© RGR Collection
Jim Carrey et Jeff Daniels dans Dumb and Dumber (1994) réalisé par Peter et Bobby Farrelly
© New Line Cinema

Le champagne a joué d’autres rôles burlesques : dans Le petit baigneur (1968) de Robert Dhéry avec Louis de Funès, une bouteille lancée par la femme d’un ministre brise la coque du navire « Increvable » à l’occasion de son inauguration. Dans Sept ans de réflexion (1955) de Billy Wilder, Tom Ewell coince son doigt dans une bouteille sur laquelle tire désespérément Marilyn Monroe.

Affiche du film Le petit baigneur (1968) réalisé par Robert Dhéry
© Les Films Corona/Films Copernic
Quand une bouteille de champagne brise la coque d’un bateau… Extrait du film Le petit baigneur (1968) réalisé par Robert Dhéry
Capture d’écran
Tom Ewell et Marilyn Monroe dans Sept ans de réflexion (1955) réalisé par Billy Wilder
© United Archives GmbH

Très récemment, le champagne apparaît dans la production Disney, Cruella (2021) de Craig Gillespie. Lors d’une réception donnée par la baronne von Hellman (Emma Thompson), Cruella (Emma Stone) fait son entrée en prenant une coupe en bas d’une fontaine de champagne, la faisant évidemment s’effondrer.

Emma Stone dans Cruella (2021) réalisé par Craig Gillespie
© Walt Disney Pictures / Lifestyle pictures

Les exemples de gags sont innombrables et témoignent de la dimension presque vivante du champagne qui est le seul vin à provoquer un mouvement et du bruit.

Le podcast

Le bon, la brute et le champagne

« En 1904, le sud du Texas était encore un pays rude où tous les coups étaient permis, parsemé de vastes pâturages et de petits villages qui peu à peu s’agrandissaient et s’étalaient sur ce grand territoire. Les saloons faisaient de bonnes affaires et les bagarres entre cowboys et conducteurs de train (seul moyen de transport de l’approvisionnement) étaient fréquentes et parfois mortelles. Pour la première fois je vis un homme se faire tuer alors que j’entrai à Del Rio chercher du ravitaillement. C’était le mécanicien d’une petite locomotive. J’avais attaché mon chariot à quelques pas d’un saloon d’où je vis surgir un type suivi d’un homme qui l’apostrophait. Quand il se retourna, l’autre sortit son fusil et l’abattit ».

Voici ce que raconte Raoul Walsh, l’un des grands réalisateurs de westerns qui a débuté sa carrière en filmant Pancho Villa durant la révolution mexicaine.

L’univers du champagne semble loin… Et pourtant, le roi des vins est souvent présent dans les westerns. D’ailleurs, Buffalo Bill en raffolait et en serait même devenu un fin connaisseur.

Le premier western date de 1903 : il s’agit de Le Vol du grand rapide d’Edwin Stanton Porter et Wallace McCutcheon. L’âge d’or du genre se situe entre les années 1930 et la fin des années 1950. Aucun des grands acteurs de l’époque n’échappera à l’exercice : Gary Cooper, John Wayne, Henry Fonda, Kirk Douglas…

On boit du champagne dans les saloons dès 1939 dans Femme ou Démon de Georges Marshall avec Marlène Dietrich et James Stewart. En 1946, Henry Fonda, qui interprète un Wyatt Earp assez sauvage, s’en fait offrir une coupe par Victor Mature, dans le rôle d’un Doc Hollyday des plus sophistiqués, dans un des chefs-d’œuvre du genre : La poursuite infernale de John Ford.

Marlène Dietrich et James Stewart dans Femme ou Démon (1939) réalisé par Georges Marshall
© United Archives GmbH
La poursuite infernale (1946) réalisé par John Ford avec Henry Fonda et Victor Mature
© Ronald Grant Archive

Ce dialogue entre rusticité et raffinement, entre virilité et féminité, rythme les apparitions du champagne dans l’Ouest cinématographique.

Ainsi, dans Les conquérants de Carson City (1952) d’André de Toth, des bandits dévalisent des diligences… avec élégance. Ils offrent aux passagers un pique-nique arrosé d’un champagne Veuve Clicquot. Dans L’Homme qui n’a pas d’étoile (1955) de King Vidor, le champagne est un révélateur de personnalités. Bien qu’étant un cowboy aux manières grossières, Kirk Douglas se révèle finalement plus distingué que Jeanne Crain, impitoyable propriétaire terrienne, dont la sophistication toute féminine n’est qu’apparente. Enfin, dans Le Grand Sam (1960) d’Henry Hattaway, John Wayne, interprétant un chercheur d’or dans l’Alaska, partage une flûte de champagne avec une femme française dont il s’éprend. « Une boisson digne de toi » lui dit-il en lui tendant une coupe.

John Wayne dans Le Grand Sam (1960) réalisé par Henry Hattaway
© 20 CENTURY FOX / AF archive

Les westerns contemporains n’échappent pas à la règle. Dans Mort ou vif (1995) de Sam Raimi, Gene Hackman offre du Moët & Chandon à Sharon Stone. Dans Bandidas (2006), de Joachim Rønning et Espen Sandberg, avec Salma Hayek et Penelope Cruz, le champagne est également présent.

Enfin, dans la très récente adaptation de L’Appel de la forêt (2020), écrit par Jack London en 1903 et porté sur grand écran par Chris Sanders, qui n’est pas à proprement parler un western mais qui se déroule à la même époque et dans les même contrées, le champagne est livré dans des traîneaux par caisses entières de Moët & Chandon.

Sur la piste de la grande caravane (1965) réalisé par John Sturges
© The Mirisch Corporation
Le podcast

Même les super-héros en boivent…

Le cinéma américain a inventé le genre des films de super-héros qui trouve son origine dans les Comics (bande-dessinée). Ces personnages – souvent mi-humains, mi-surhumains – sont nombreux à apprécier le vin de Champagne qui comporte, lui aussi, une dimension surnaturelle ou quasi-divine…

Superman

Superman figure sans aucun doute parmi les super-héros les plus célèbres.

Il n’est pas un être humain mais apprécie les plaisirs terrestres. Dans Superman 2 (1980) de Richard Lester, il déclare sa flamme à Lois Lane avec des fleurs et une bouteille de Piper-Heidsieck.

Christopher Reeve dans Superman 2 (1980) réalisé par Richard Lester
© WARNER BROS / DC COMICS / Ronald Grant Archive
Margot Kidder et Christopher Reeve dans Superman 2 (1980) réalisé par Richard Lester
© WARNER BROS / PictureLux / The Hollywood Archive
Batman

Autre grand super-héros, Batman ou la chauve-souris, n’a en réalité aucun pouvoir. Il n’est autre que Bruce Wayne, un golden-boy vertueux décidé à faire ce qu’il pense être le bien. Grâce à un ensemble de gadgets, d’outils, de véhicules et de combinaisons lui permettant d’être quasi-invincible, il combat le mal… et se laisse aller à boire quelques coupes de champagne. Ainsi en est-il dans Batman (1989) de Tim Burton et, plus récemment, dans The Dark Knight : Le Chevalier noir (2008) de Christopher Nolan.

Iron Man

Tony Stark est aussi, tout comme Batman, un homme sans super-pouvoir.

Riche héritier d’un empire industriel, il conçoit une armure intelligente et indestructible, ce qui fait de lui un Iron Man. Parallèlement, il demeure toute sa vie un playboy qui ne rate jamais l’occasion d’ouvrir une bonne bouteille de champagne… le plus souvent en compagnie de jolies femmes. Dans Iron Man 2 (2010) de Jon Favreau, Robert Downey Jr. et Gwyneth Paltrow partagent ensemble quelques bulles.

Robert Downey Jr. et Gwyneth Paltrow dans Iron Man 2 (2010) réalisé par Jon Favreau
© Marvel Studios
Les « super-vilains »

Certains super-héros ne boivent pas. C’est le cas de Spider Man, Peter Parker étant, il est vrai, un peu jeune. En revanche, les « super-vilains » dégustent souvent du champagne selon le même schéma scénaristique : lorsqu’ils pensent avoir vaincu le héros, ils ouvrent une bouteille de champagne. Ils ont raison de s’offrir un moment de réconfort car leur chute n’est plus très loin. Entre autres exemples, ainsi en est-il dans Batman : Le Défi (1992) de Tim Burton. Lorsque Le Pingouin (Danny de Vito) pense s’être débarrassé de Batman, il cherche à séduire Catwoman (Michelle Pfeiffer) en ouvrant une bouteille de champagne. Ce geste lui sera fatal !

Danny de Vito et Michelle Pfeiffer dans Batman : Le Défi (1992) réalisé par Tim Burton
© WARNER BROS / DC COMICS / PictureLux / The Hollywood Archive
Le podcast

… Les toons aussi !

Le dessin-animé ou plutôt le cinéma d’animation naît en France en 1908 avec un court métrage réalisé par Emile Cohl, intitulé Fantasmagorie. La difficulté consiste à filmer seize images par seconde. Employé par Gaumont, Emile Cohl, dessinateur se définissant comme « truqueur de naissance », y parvient et réalise ainsi plus de 300 films d’animation.

Dans Fantasmagorie, les images montrent une bouteille géante dont le bouchon est expulsé sur un petit personnage dont on suit les mouvements et les transformations. Dans un film plus élégant, Le songe d’un garçon de café (1910), on raconte les rêves éthyliques d’un serveur assoupi. Parmi tous les alcools représentés, trône une bouteille de champagne qui se transforme en une femme.

Image extraite du film Le songe d’un garçon de café (1910) réalisé par Emile Cohl
Capture d’écran

Présent dès les origines du cinéma d’animation, le champagne poursuit sa carrière dans de très nombreux dessins animés.

Walt Disney y porte une attention toute particulière. Dans Dumbo (1941), l’éléphanteau vole parce qu’il a bu, par mégarde, de l’eau mélangée à du champagne. Il rêve à une danse d’éléphants roses, puis s’envole, pour se réveiller le matin tout en haut d’un arbre. Dans La Belle et la Bête (1991), des flots de champagne rosé jaillissent d’une rangée de bouteilles à la fin d’un dîner accompagné d’une chanson mettant à l’honneur la « haute gastronomie française ».

La Belle et la Bête (1991) réalisé par Gary Trousdale et Kirk Wise, produit par les studios Disney
© WALT DISNEY PICTURES / Entertainment Pictures

Plus récemment, on retrouve du champagne dans Les triplettes de Belleville (2003) de Sylvain Chomet qui sonne le renouveau de l’animation à la française. En 2005 et 2008, ce sont les célèbres pingouins de Madagascar et Madagascar 2 réalisés par Eric Darnell et Tom McGrath qui sont associés au champagne. Dans une scène hilarante, un pingouin-stewart sert du champagne à des passagers regardant un film sur les catastrophes aériennes. La bouteille qu’il tient dans ses bras, bien qu’elle n’en affiche pas la marque, ressemble à une bouteille de Cristal de Roederer. Eric Darnell, le réalisateur du film, confirme que cette marque fut sa principale source d’inspiration, les pingouins ayant des goûts prononcés pour les produits luxueux.

Madagascar (2005) réalisé par Eric Darnell et Tom McGrath
© Dream Works Photo courtesy Dream Works Animation / PictureLux / The Hollywood Archive

En 2009, avec Fantastic Mr Fox, Wes Anderson signe une très belle adaptation du roman de Roald Dahl. Le champagne offert à ses convives par Fox le renard n’est autre qu’un Dom Pérignon.

En 2011, Bibo Bergeron réalise Un monstre à Paris. L’histoire se déroule en 1910 : au Cabaret L’Oiseau rare, on vient écouter Lucille et Francoeur chanter, en dégustant quelques flûtes.

Enfin, en 2018, dans Dilili à Paris réalisé par Michel Ocelot, on retrouve le Paris de la Belle Epoque. Au restaurant du premier étage de la Tour Eiffel, une drôle de bouteille est ouverte : un brut impérial millésimé (on ne lit pas l’année, hélas) d’une Marque qui pourrait être… Mote & Donchan.

Dilili à Paris (2018) réalisé par Michel Ocelot
© 2018 Nord-Ouest Films · Studio O / Michel Ocelot
Le podcast

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s