Spécial Listes de Noël (3) : 10 BD à bulles!

Pour cette troisième liste, nous nous sommes amusés finalement à trouver des bulles dans les bulles. Mais le défi n’était pas si grand, puisque les bandes dessinées, comics américains, ou romans graphiques contiennent leur part d’effervescence. Pour établir cette bibliographie nous avons privilégié la BD européenne, non que la tradition des comics ne soit pas intéressante, mais parce que son rapport au champagne semble plus compliqué (nous y consacrerons d’ailleurs prochainement un article). Cette troisième liste est la dernière que nous publions avant Noël, mais les fêtes se poursuivant, deux autres suivront pour accompagner le réveillon du nouvel an.
Avec ces quelques BD pétillantes, il est une chose que l’on peut dire, c’est que l’abus de bulles ne nuit pas à la santé. Bonnes lectures !

Les Pieds nickelés de Louis Forton

Il s’agit d’une des premières grandes épopées de la BD française. Elle a débuté en 1908 avec les planches parues dans le journal L’Épatant. Quant aux dernières aventures de Croquignol, Filochard et Ribouldingue, elles remontent à 2012. Entre temps plusieurs scénaristes et dessinateurs se sont, bien entendu, succédé pour maintenir toujours jeunes nos trois escrocs bien de chez nous, devenus plus que centenaires. Pour autant, nous proposons de revenir aux premières versions de leurs aventures, celles imaginées et dessinées par leur créateur, Louis Forton, qui n’hésitait pas à leur offrir, au fil de leurs pérégrinations, quelques coupes et souvent même plusieurs bouteilles de champagne.

Parmi tous les albums dont il fut l’auteur, s’il faut en choisir un, j’aurais une petite préférence pour celui intitulé Les Pieds-Nickelés chez le Kaiser qui fut publié en 1916 et qui mélange avec un humour féroce un anarchisme de fond et un patriotisme de circonstance. Il fallait quand même l’oser ! Quant au champagne, il y est tout autant facétieux que bleu-blanc-rouge (voir à ce sujet l’article paru sur ce site : Le champagne entre bande-dessinée et cinéma – Première partie : Bécassine et les Pieds nickelés, un certain art de l’effervescence).

Les aventures des Pieds nickelés publiés dans L’Épatant sont pour la plupart disponibles sur Gallica.

Numéros de L’Epatant en ligne

Les aventures de Tintin d’Hergé

S’il est une incontournable BD dans laquelle le champagne joue un vrai rôle narratif, c’est bien Tintin. Hergé, qui était un grand amateur de cinéma – et de champagne, également –,n’hésita pas à s’en inspirer pour donner un vrai rôle au roi des vins. C’est ainsi que la scène, lors de laquelle des bouteilles et bouchons de champagne sont utilisés pour repousser des poursuivants, dans Le crabe aux pinces d’or (1941), est directement inspirée d’une séquence du film Laurel et Hardy conscrits (The Flying Deuces, 1939) réalisé par A. Edward Sutherland, dans laquelle ces compagnons du burlesque mettent en déroute des légionnaires venus les arrêter simplement en faisant sauter les bouchons de bouteilles de champagne.

S’il faut choisir un album, mon choix se porte sur L’Affaire Tournesol (1956) : le champagne apparait à plusieurs reprises et une scène effervescente présente aussi un hommage à Erich von Stroheim et à plusieurs des films qu’il réalisa dont Folies de femmes (Foolish Wives, 1922) et, peut-être, La Symphonie nuptiale (The Wedding March, 1928).

Erich von Stroheim dans Folies de femmes (Foolish Wives) qu’il réalisa en 1922

Le Tour de Gaule d’Astérix de René Goscinny et d’Albert Uderzo

Trouver du champagne dans une aventure dont l’histoire se passe très très longtemps avant même sa naissance ne tient pas seulement de l’anachronisme mais de la magie. C’est compter sans le regard particulièrement amusé et blagueur de Goscinny et Uderzo qui n’hésitaient pas à se jouer des temporalités historiques pour produire des albums aux récits assurément ancrés dans le monde contemporain.

C’est dans ce cadre, qu’en 1963, les deux créateurs du petit gaulois imaginent son tour de Gaule dans lequel on trouve un certain vin de Durocortorum (Reims) dont on débouche l’amphore, barrée d’un cordon rouge, en faisant sauter le bouchon. Pop ! et voilà…

Un cow-boy dans le coton de Jul et Achdé

Lucky Luke est certainement le cow-boy le plus célèbre de la BD européenne ! La série initiée par Morris, et un temps rejoint par Goscinny comme scénariste, fut par la suite reprise par d’autres auteurs dont, pour les derniers albums, Jul au scénario et Achdé aux dessins.

Comme souvent dans les albums du tireur le plus rapide de l’Ouest, on croise des personnages historiques. Dans les premiers albums, il y eut ainsi Billy The Kid ou encore Calamity Jane. Dans Un cow-boy dans le coton (2020), dont l’histoire se déroule en Louisiane, Lucky Luke rencontre Bass Reeves, premier shérif noir des USA ! Quant au champagne, il est la boisson des réceptions sudistes. Pour autant, on trouvait déjà une bouteille de champagne dans Fingers (1983) dessiné par Morris. Bref, des bulles il y en a aussi au pays des cow-boys !

Gaston Lagaffe de Franquin

Le retour de Gaston Lagaffe est au cœur de l’actualité de la BD avec la sortie récente d’un nouvel album contesté car, pour la première fois, non signé par son créateur, André Franquin. Aussi faut-il sans doute revenir aux albums originaux du plus grand rêveur et gaffeur de l’histoire de la BD. Du champagne, il en boit, pas forcément beaucoup, mais parfois et toujours dans des circonstances toujours surprenantes voire inattendues. Alors, quels albums choisir ? Mentionnons-en deux dans lesquels notre gaffeur lui-même en boit : Le Lourd Passé de Lagaffe (1986) et Le Géant de la gaffe (1972).

Nertor Burma de Jacques Tardi

Si dans Les Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec (2010), réalisé par Luc Besson, on trouve du champagne à plusieurs reprises, il n’y en a pas, ou très peu, dans la série de BD éponyme, signée Jacques Tardi, qui a inspiré le film. En revanche, on en trouve davantage dans quelques-unes des aventures de Nestor Burma, le détective inventé par le romancier Léo Malet, et qui fut magnifiquement mis en scène en BD par Tardi. Ainsi, ouvre-t-on une bouteille dans le premier opus de la série, une des plus belles adaptations qu’il réalisa de l’univers de Léo Malet, Brouillard au pont de Tolbiac(1982).

Par la suite, non seulement Tardi signa d’autres albums, mais surtout son univers graphique servit à d’autres dessinateurs qui poursuivirent la mise en image des aventures de Burma. C’est ainsi que le huitième opus de la série, Boulevard… ossements (2013), signé Nicolas Barral, s’ouvre sur une scène particulièrement effervescente.

Théodore Poussin de Frank Le Gall

Voici un petit héros qui doit sans doute beaucoup à Tintin, un peu à Corto Maltese, mais aussi à Rudyard Kipling, Joseph Conrad et à tellement d’autre romanciers d’aventure ! Théodore Poussin est un jeune marin venant de Dunkerque et dont les aventures vont le conduire de Singapour à Saïgon.

Dans l’album Marie Vérité (1988), notre jeune aventurier se retrouve en 1929 dans une petite île située au nord-ouest de Bornéo. Il est invité à participer à une réception entre colons, de tous les pays, où la boisson servie n’est autre que du champagne. Même à l’autre bout du monde, le vin continue en toute occasion à pétiller

Agence Hardy de Pierre Christin et Annie Goetzinger

En pleine guerre froide, au milieu des années 1950, Edith Hardy, femme détective, mène des enquêtes sensibles. C’est entre espionnage industriel et secrets d’État, meurtres et vols, que Pierre Christin (l’un des scénaristes les plus prolifiques de la BD française qui a signé, notamment, la série des Valérian) et la regrettée Annie Goetzinger nous invitent à nous replonger dans une période de notre histoire, mais sous un autre angle où se mêlent fiction et réalité.

À noter que si l’on boit du champagne dans presque tous les albums, il arrive qu’on lui fasse une petite infidélité, dans Le poison rouge, avec quelques coupes d’un « Champagne géorgien », mais c’est à Moscou qu’il est bu où, pour des raisons politiques, c’est un « Sovetskoe Shampanskoe » qui est servi. Qu’on se rassure, même s’il est présenté comme plutôt bon par un officiel soviétique, celui-ci a pris soin de préciser « rien de comparable au champagne français ». La guerre froide n’excuse pas tout !

Blacksad de Juan Díaz Canales et Juanjo Guarnido

Voilà donc la seule BD animalière de la liste, mais il faut reconnaitre qu’elle mérite très largement qu’on la relise, ou qu’on la découvre. Si avec l’Agence Hardy nous étions plongés dans les années 1950 entre la France et le bloc soviétique, nous voici avec un chat détective au cœur des USA de la même époque. Certes des personnages animaliers y jouent les premiers –et seuls– rôles, mais pour le reste, l’ambiance est celle du maccarthysme et la psychologie, celle des personnages des films noirs hollywoodiens des fifties.

Et c’est là qu’on voit que même les animaux se laissent aller à quelques coupes et flutes, notamment dans Ame rouge (2005). Après tout, ne sommes-nous pas nous-mêmes des animaux comme les autres ?

Les Vieux Fourneaux de Wilfrid Lupano et dessinée par Paul Cauuet

Son succès, cette BD le doit sans doute à la fois à son engagement politique, qui fait la part belle à un anarchisme fictionnel particulièrement créatif, et à l’attention qu’elle porte aux questions environnementales, sans jamais tomber dans le dogmatisme ou l’idéologie. D’album en album, on ne cesse de naviguer entre saillies sociales et regards tendres et remplis d’humour.

C’est dans ce cadre que les personnages boivent de l’alcool, toujours avec une certaine grille de lecture presque sociologique – « bourdivine » –, très codifiée : de la bière entre potes et camarades de lutte, du Ricard au bistrot, du vin plutôt rouge lors des repas qui, s’ils s’éternisent se terminent avec une poire, et du champagne dans deux contextes : pour des déclarations intimes et amoureuses, et si l’on veut étaler sa richesse. Dans le premier opus, Ceux qui restent (2014), c’est une apparition amoureuse, touchante et assez amusante du champagne à laquelle on assiste lorsqu’une protagoniste veut annoncer qu’elle est enceinte à son compagnon qui ne comprend rien !

Il est à souligner que la série a fait l’objet de deux adaptations cinématographiques dans lesquelles, une fois n’est pas coutume, le champagne disparait presque totalement !

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