Seconde liste que nous proposons pour ces fêtes de fin d’année. Cette fois, il s’agit de champagnes à lire et de bulles à déclamer. Léa Ribaillier nous a concocté un choix varié d’œuvres littéraires dont certaines sont de véritables classiques, quand d’autres nous surprennent, nous ravissent, nous font sourire aussi et parfois simplement nous interrogent. Romanciers, poètes, philosophes ou dramaturges, tous y ont leur place, car tous ont su mettre en lettres le roi des vins. De belles découvertes en perspective, à lire en toute occasion et à partager une coupe à la main.
Le champagne ainsi que les vins de Champagne ont séduit les poètes dès le 13e siècle. En France, comme à l’étranger ce vin s’épand dans toutes les formes de la littérature et plus particulièrement en poésie. Un genre que l’on retrouve bien sur dans cette bibliographie que je vous présente pour les fêtes de Noël, mais accompagné de romans, de nouvelles et de pièces de théâtre.
Bonnes lectures et qu’au fil de ces quelques pages les bulles soient avec vous !
Un champagne, un roman !
Gatsby le Magnifique de Francis Scott Fitzgerald
Ce roman emblématique des années 1920 met en scène des fêtes luxueuses où le champagne coule à flot, reflétant le faste et l’opulence de l’époque.
Le champagne est mentionné lors des fêtes organisées par Jay Gatsby dans l’espoir de séduire son amour de jeunesse. Ces grandes soirées sur Long Island sont célèbres pour leur faste, leur élégance et leur abondance en bulles. Les invités de renoms se réunissent régulièrement pour ces rendez-vous, où l’on trouve de nombreuses tables garnies de coupes et de bouteilles de champagne. Cette profusion dans les descriptions illustre le style de vie flamboyant caractéristique de l’univers de Gatsby.
On dansait maintenant sur les bâches tendues en travers des pelouses. De vieux messieurs poussaient devant eux des jeunes filles, et leur faisaient décrire à reculons de petits cercles maladroits. Des couples plus experts s’étreignaient dans des figures acrobatiques et cherchaient des coins d’ombre – et beaucoup de femmes seules ne dansaient qu’avec elles-mêmes, ou permettaient aux musiciens de s’offrir une petite pause, en grattant le banjo à leur place ou en frappant sur les cymbales. À minuit, le plaisir était à son comble. Un ténor en vogue avait chanté en italien, et une célèbre contralto avait chanté un air de jazz. Entre les numéros, les gens se livraient dans les jardins à toute sorte de « facéties », et d’énormes vagues de rires puérils et béats jaillissaient vers le ciel d’été. Deux actrices « jumelles » – qui se trouvaient être nos femmes en jaune – interprétèrent une saynète, déguisées en nourrissons, on servait le champagne dans des coupes plus grandes que des rince-doigts, et la lune à son apogée dessinait sur les eaux du détroit une mince échelle d’argent, qui tremblait doucement au rythme aigrelet des banjos.
Francis Scott Fitzgerald extrait de Gatsby le magnifique
(Traduction, Jacques Tournier, Grasset)
Madame Bovary de Gustave Flaubert
Madame Bovary assiste à une réception aristocratique au château de Vaubyessard. Le champagne est la boisson dont les convives s’abreuvent tout au long de l’évènement, comme pour l’orner encore un peu plus de prestige aux yeux d’Emma, fascinée par l’éclat lumineux de la flûte. La grandeur de la scène se trouve en réalité dans sa manière de rendre le contraste existant entre la vie mondaine à laquelle elle aspire et sa vie quotidienne et ordinaire, marquée par la monotonie et l’insatisfaction, principalement amoureuse, de cette férue de bijoux !
A droite, Jean-François Balmer et Isabelle Huppert dans Madame Bovary (1991) réalisé par Claude Chabrol
Livre disponible sur gallica.fr
Les NATCHEZ de François-René de chateaubrianD
Dans cet ouvrage de jeunesse, publié en 1826, François-René de Chateaubriand écrit au sujet du duc d’Aumale qu’il aurait bu du vin d’Aï avant même de boire le lait de sa nourrice. Le vin d’Aï est l’appellation qui précède celle de champagne que l’on utilise aujourd’hui. Le 19e siècle privilégie encore deux appellation : celle de vin de Champagne et vin d’Aï, ancien nom de la commune d’Aÿ.
Champagne d’Yves Gandon
Champagne est un ouvrage polymorphe de par sa composition, allant de la littérature à l’histoire, en passant par le mythe et l’anthropologie.
Léone d’ Yves Gandon
Léone est un roman publié en 1952 dont la narratrice est d’origine champenoise. Le champagne accompagne son ascension sociale ainsi que de nombreuses intrigues de l’œuvre.
Pour une description plus complète du rôle du champagne dans l’œuvre d’Yves Gandon nous renvoyons à deux articles dejà publiés: Le champagne sous la plume d’Yves Gandon – Première partie: du mythe à l’ivresse et Le champagne sous la plume d’Yves Gandon – Deuxième partie: femmes, amour et mort
A la Recherche du Temps perdu de Marcel Proust
Les œuvres de Proust mettent en scène la société mondaine du 19e siècle et dans laquelle le champagne est souvent mentionné.
Mais j’avais demandé du Champagne ? dit-il au maître d’hôtel qui avait cru en apporter en mettant près des deux clients deux coupes remplies de vin mousseux. — Mais, Monsieur… — Ôtez cette horreur qui n’a aucun rapport avec le plus mauvais Champagne. C’est le vomitif appelé cup où on fait généralement traîner trois fraises pourries dans un mélange de vinaigre et d’eau de Seltz…
À la recherche du temps Perdu – IV
Sodome et Gomorrhe
Bel-Ami de Guy de Maupassant
Bel-Ami est paru en 1885. Le champagne y est associé au succès aussi peu moral que triomphant du personnage principal. Chez Maupassant, ce vin correspond d’ailleurs à l’argent et à la réputation.
Le bouchon de Cristal de Maurice Leblanc
Le champagne est commandé à la table au moment où Arsène Lupin démasque Daubrecq, avant de profiter d’un champagne bien mérité.
L’Art de Jouir de Julien de La Mettrie
L’Art de jouir est un court ouvrage de Julien Offray de La Mettrie, paru en 1751, où ce dernier fait l’apologie de la volupté. Ce livre fait partie de ses écrits les plus controversés en raison de son approche matérialiste et hédoniste de la vie.
Le champagne fait partie des plaisirs physiques à consommer en prenant un plaisir démesuré : « Le voluptueux goûte de tous les mets (…) Les autres sablent le champagne ; il le boit à longs traits, comme toutes les voluptés ».
Le champagne dans quelques effervescentes nouvelles !
Allumons La Bacchante d’Alphonse Allais
Un riche amateur qui avait commandé à un peintre une « Bacchante » se plaignait que le modèle manquât d’expression. Le peintre offrit à la jeune femme, pour la détendre, un déjeuner où le champagne coula avec la même abondance que si c’eût été l’eau du ciel. Et après le déjeuner, je vous prie de croire que, pour une bacchante allumée, c’était une bacchante allumée
Pierre Bonald, Anthologie du Champagne
La nouvelle fut publiée dans Le Chat Noir en 1887 puis éditée dans À se tordre. Histoires chatnoiresques (1891).
Retour à Babylone de Francis Scott Fitzgerald
Le personnage principal, Charles Wales, revient à Paris après une période difficile marquée par des excès et des erreurs passées. Il cherche à reconquérir la garde de sa fille et tente de renouer avec sa famille. L’histoire se déroule dans le milieu des années 1930 à Paris et décrit les soirées mondaines, les lieux huppés et les excès associés à l’ère du jazz où l’on boit du champagne.
Cette nouvelle fut initialement publiée dans The Saturday Evening Post en 1931 sous le titre « Babylon Revisited ». On trouve la traduction dans le recueil Retour à Paris. Babylone Revisitée (Éditions Rivages, 2023). Elle fit l’objet d’une adaptation au cinéma en 1954 sous le titre La Dernière Fois que j’ai vu Paris (The Last Time I Saw Paris) réalisée par Richard Brooks.
Le Vase Etrusque de Prosper Mérimée
Dans cette nouvelle, Prosper Mérimée décrit la consommation de champagne par une tablée de garçons au moment du déjeuner, ce qui ne correspond pas au moment privilégié de consommation plus généralement situé au dessert.
Un champagne et … son poème pétillant !
LA BATAILLE DES VINS d’Henri d’andeli
Ce poème constitue une première tentative au Moyen-Âge d’établir un classement des vins. Dans ce poème de 204 vers, Henri d’Andeli met en scène Philippe Auguste parmi différents vins provenant de la France et de la Méditerranée, comme le vin de Chypre, de Soissons ou d’Epernay. S’il ne s’agit pas encore du champagne tel qu’on le connaît aujourd’hui, le vin d’Epernay est d’ores et déjà catégorisé comme un vin de Champagne dans ce texte.
Bluettes champenoises d’Armand Bourgeois
O blonde liqueur qui pétille
Dans la coupe où tu souris,
O toi qui de purs reflets brilles,
A mes vers qui donne quelque prix !
Champagne d’Alan Seeger
Ce poème est considéré comme le chef d’œuvre d’Alan Seeger, un poète américain tué en Champagne durant la Première Guerre mondiale, et dont le père a réuni les écrits dans un recueil: Le Poète de la Légion étrangère.
Vous qui rirez demain, dans les fêtes heureuses,
A ce vin pétillant, qui fait le teint vermeil
Et d’un flot si doré remplit les coupes creuses
Qu’on a l’illusion de boire du soleil,Buvez quelquefois, vous les promeneurs paisibles
Dont le pas lent s’attarde aux chemins sans danger,
A ceux qui, tombés là, sous des coups invisibles,
Vous ont gardé la terre où l’on peut vendanger.
Du champagne… au théâtre !
Je t’aime de Sacha Guitry
Je t’aime (1920) de Sacha Guitry est une pièce de théâtre en 5 actes dans laquelle un architecte passionné prénommé Georges, tombe amoureux de Denise. La pièce explore les thèmes de l’amitié, des domestiques, de l’argent, de la vie et de l’amour. Le champagne servi devient métonymique de la mauvaise soirée qui vient de s’écouler.
Candida de George Bernard Shaw
Dramaturge Irlandais, Shaw reçoit le prix Nobel de littérature en 1925. La même année, il écrit cette pièce dans laquelle le
champagne apparaît dans l’acte III, au fil d’un dialogue entre Lexy, Proserpine, Candida et Morell autour d’un souper qui leur est gracieusement offert.
Champagne et Cinéma 